für den Nachwuchsworkshop 2022

Au même titre que le paysage autrichien, la musique est dans Lust le motif² privilégié des images outrancières décrivant, symbolisant et cristallisant la relation sexuelle conjugale. Ce faisant, ce n’est pas seulement la sexualité caractérisée par la domination et la violence absolues du mari sur la femme qui est exhibée mais d’abord le caractère dominateur, conservateur de la musique et de son exercice dans la sphère sociale et les rapports de genre. On retrouve alors une constante de l’écriture de Jelinek la déconstruction voire la destruction des mythes desquelles se parent à la fois l’idéologie bourgeoise et nationaliste pour couvrir d’un vernis spirituel et intellectuel sa brutalité. Ainsi, ce qui nous semble intéressant, à la croisée de la perspective du workshop et de notre angle d’étude sur l’outrance dans la prose fictionnelle de Jelinek, c’est la dissonance qui émerge de l’omniprésence du motif de la musique mis en oeuvre dans une obscénité satirique³. Il s’agit notamment de la manière dont la perception de la musique comme règne de l’harmonie, génératrice en apparence de communautés (par des chefs d’oeuvres stéréotypées de la culture savante chantées à l’unisson par le choeur aliéné du directeur ou encore des « tubes » populaires crachés par la radio) est démontée, désaccordée par l’association systématique – lexicale, tropique et sémantique – entre musique et grossièreté. Le défigement d’expressions stéréotypées liées à la musique fait dissoner l’association rendue visible entre brutalité sexuelle et vernis culturel et national. Mais l’identification de la musique (et notamment du violon) à un instrument de torture⁴ ne nous paraît pas recouvrir la totalité des sens de la musique décelables dans Lust et c’est également la dissonance créée par l’impossible univocité de la valeur de la musique que nous aimerions travailler dans le cadre de ce projet.

¹ (Titel) Jelinek, Elfriede: Lust. Hamburg: Rowohlt Digital Buch 2013, s. 20.
² Se pencher sur le « motif » de la musique revient à prolonger une des pistes ébauchées par Pia Janke dans « Elfriede Jelinek und die Musik » (Elfriede Jelinek – Tradition, Politik und Zitat, S. Müller, C. Theodorsen (Hg.): Elfriede Jelinek – Tradition, Politik und Zitat. Wien: Praesens
Verlag 2008 (= Diskurse.Kontexte.Impulse: Publikationen des Elfriede Jelinek-Forschungszentrums 2), S. 271-285.) : l’étude de la musique et de l’exercice de la musique comme motifs plutôt que celle de la
« musicalité » de l’écriture (indiscutable – en premier lieu parce que c’est en ces termes qu’Elfriede Jelinek décrit souvent sa prose – mais dont l’analyse en termes autres que métaphoriques est difficile). Le choix du roman Lust (Jelinek, Elfriede: Lust. Ü: Yasmin Hoffmann et Maryvonne Litaize. In: OEuvres romanesques. Arles: Actes Sud 2008., p. 423-588.) pour cette étude se justifie pour moi par sa présence dans mon corpus de thèse et parce qu’il m’a semblé que dans les études sur la musique dans l’oeuvre de Jelinek, Lust n’était pas l’oeuvre la plus étudiée (qu’il s’agisse de l’étude citée plus haut, de celle de Bernard Banoun, « Euterpe en pure perte », Dossier Elfriede Jelinek, Europe, n85, 2007, ou dans le portail consacré à la musique chez Elfriede Jelinek- Forschungszentrum. http://www.elfriede-jelinek-forschungszentrum.com/wissenschaftsportale/musik/home/).
³ En s’appuyant sur
Luserke, Matthias: Ästhetik des Obszönen. Elfriede Jelineks „Lust“ als Protokoll einer
Mikroskopie des Patriarchats. In: Elfreide Jelinek. Text + Kritik 117 (1993). S. 60-67.
et
Ockenfuss, Crystal Mazur: Keeping Promises, Breaking Rules: Stylistic Innovations in
Elfriede Jelinek’s „Lust“. In: Arens, Katherine / Johns, Jorun B. (Hg.): Elfriede Jelinek: Framed by Language. Riverside: Ariadne Press 1994 (= Studies in Austrian Literature, Culture, and Thought). S. 73-88.
⁴ Soutenant et s’identifiant à l’instrument de torture principal qu’est la verge.

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